"Ann Christine" sauvée des eaux
Photo : Dominique Leriche
La grue de 300 tonnes de la société crauroise Lafont était équipée de 87 tonnes de contrepoids pour lever les 57 tonnes de bois de la goélette Ann Christine.
Le scaphandrier plonge sous la goélette pour positionner les sangles. Un clou ou un rivet mal placés pourraient, avec la pression au moment du levage, cisailler ces attaches. Le « Baltic trader », déjà en très mauvais état, n'y survivrait pas. Les personnes qui s'affairent autour de la goélette centenaire prennent donc toutes les précautions.
La levée commence. Doucement. Les sangles ne bougent plus. C'est parti. Peu à peu, " Ann Christine " s'extirpe de l'eau. Son bois craque mais la vieille dame tient le coup. « On est à 57 tonnes », avise le grutier. La goélette dévoile ses formes. Sa coque bombée porte les stigmates d'une longue vie à sillonner les mers du monde.
La quille a été rongée, les bordés sont rafistolés de part et d'autre. " Ann Christine " est une épave fatiguée rendue ivre par l'eau de mer ingurgitée dans le port de Sanary. La goélette avait coulé, usée par l'oeuvre du temps. « Aujourd'hui, c'était l'opération de la dernière chance », glisse Rémy Solat.
Le gérant de la société mandréenne Az-Co Rov a pris en charge le renflouage, le remorquage et le grutage du bateau. Un coût estimé à 80 000 euros. « Je vais facturer sans les marges. Je joue un peu au mécène, mais c'était ça ou voir le bateau être coulé au large », explique Rémy Solat.
500 000 euros pour le carénage
La goélette était arrivée aux chantiers des Baux en 2008 pour y être rénovée. La crise financière a mis entre parenthèses le projet.
Avant de trouver une nouvelle solution financière, l'institut de promotion et de formation aux métiers de la mer a accepté d'accueillir ce naufragé. « Il fallait sauver " Ann Christine " ! C'était l'urgence. Ce bateau appartient au patrimoine culturel et il s'agit aussi de notre vocation », témoigne Eric Lavallée, le directeur de l'IPFM, un établissement de la Chambre de métiers et de l'artisanat du Var.
L'association Ann-Christine et son propriétaire, Jean-Nicolas Bondaletoff cherchent aujourd'hui des soutiens.Sur leur site (1), le grand carénage est chiffré à 500 000 euros.
Avec l'aide des collectivités locales, la goélette pourrait devenir un bateau-école pour les apprentis charpentiers du centre. « Notre objectif est de la rénover pour Marseille 2013 et pouvoir ainsi présenter notre savoir-faire dans ce domaine », explique Eric Lavallée.
Sauvée des eaux et d'une mort certaine, " Ann Christine " s'est vue offrir hier, pour ses 120 ans, l'espoir d'une nouvelle vie.
1-www.annchristine.eu
source: Olivier Marino - var matin