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Nicky
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Date du message : vendredi 16 mai 2014 à 20h55


Européennes 2014: «En Autriche, la critique européenne est monopolisée par l'extrême droite»


Heinz-Christian Strache, le leader du FPÖ lors d'une réunion du parti à Klagenfurt en 2013. (Photo: ALEXANDER KLEIN AFP)
ELECTIONS EUROPÉNNES 2014: Le politologue autrichien Peter Filzmaier explique pourquoi, dans un pays pourtant en bonne santé économique, le FPÖ devrait séduire les électeurs fin mai

En Autriche, comme en France, les élections européennes auront lieu le 25 mai. Les Autrichiens éliront 18 eurodéputés, pour 8,5 millions d’habitants. L’extrême droite, représentée par le FPÖ, pourrait convaincre un électeur sur cinq. Pourquoi un tel score dans un pays en bonne santé économique ? Les explications du politologue Peter Filzmaier, qui enseigne la Donau-Universität de Krems.

Selon les derniers sondages, le FPÖ pourrait obtenir plus de 20% des suffrages aux élections européennes. Comment l’expliquer?

Il est vrai que le FPÖ gagnera des voix par rapport aux dernières élections de 2009. Ce succès s’explique par le fait qu’une autre liste sans étiquette, celle de Hans-Peter Martin, qui a aussi une position critique envers l’UE, ne se présentera plus cette année. Au bout du compte, le pourcentage des voix pour les partis anti-européens ne changera pas par rapport à 2009. Les deux grands partis du gouvernement, les sociaux-démocrates (SPÖ) et les conservateurs (ÖVP) perdront des voix. Le Neos, un nouveau parti libéral pro-européen, en gagnera. Hormis le FPÖ, les électeurs critiques envers l’Union européenne ont peu d’alternatives, même s’ils trouvent le discours trop à droite.

Qui sont les électeurs typiques du FPÖ?

L’électorat traditionnel du FPÖ s’intéresse peu à l’Union Européenne. Le FPÖ est donc confronté à un problème de mobilisation. Ces électeurs sont en majorité des hommes, au niveau d’éducation peu élevé. Pendant longtemps c’était surtout des jeunes. Cela s’explique par la position que prend le FPÖ contre le système de politique traditionnel, et par la concentration des deux grands partis sur les électeurs fidèles, plus âgés. Mais entre-temps les électeurs du FPÖ ont vieilli avec le parti.

Les gens qui votent FPÖ aux élections européennes se distinguent-ils des électeurs du parti aux élections nationales?

Non, pas vraiment. La seule différence est qu’ils vont moins voter. En Autriche, le taux de participation aux Européennes ne dépassera probablement pas les 50%. Aux élections législatives ce taux s’est élevé à 75%. Si autant d’électeurs du FPÖ participaient aux Européennes qu’aux élections nationales, le parti pourrait largement arriver en deuxième place.

Pour quels motifs les Autrichiens votent-ils FPÖ ?

Il y a trois motifs principaux: la déception et la protestation contre toute forme de politique établie, le désir de contrôler les puissants et la politique migratoire. Le secret de réussite du parti est que sur le plan social il se positionne plutôt à gauche, parfois même plus à gauche que les sociaux-démocrates sur certains points. Ce mix entre une politique migratoire de droite et une politique sociale de gauche attire les électeurs, déçus notamment par les sociaux-démocrates. Le déficit de la formation politique européenne joue aussi en faveur du parti. Ils peuvent plus facilement gagner des voix par la critique. Les électeurs qui ont une vraie idéologie de droite ne présentent qu’1% de l’électorat.

@ suivre ...

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Nicky
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Date du message : vendredi 16 mai 2014 à 20h55


suite: L’Autriche est un pays riche, dont le taux de chômage (4,8%) est parmi les moins élevé en Europe. N’est-ce pas paradoxal que l’extrême droite y trouve un tel écho ?

A ce constat je réponds toujours avec une comparaison : si vous avez un rhume faible, vous allez quand même essayer de le soigner. Vous n’allez pas vous dire «D’autres souffrent d’une pneumonie grave, donc je n’ai pas à me plaindre.» Comparer l’Autriche à d’autres pays qui vont moins bien est une erreur fréquente du gouvernement. Le FPÖ profite de cette erreur pour dire que lui, il s’occupe des problèmes de son propre pays, des problèmes des électeurs qui vont mal.

Un parti anti-européen de gauche, comme il existe en Grèce, pourrait-il avoir le même succès en Autriche ?

Cela aurait été possible il y a dix ou vingt ans. Mais plus aujourd’hui. La position anti-européenne est monopolisée par l’extrême droite. Un nouveau parti devrait commencer par évincer le FPÖ pour pouvoir prendre sa place.

L’attitude critique des Autrichiens envers l’UE s’explique-t-elle par le fait qu’ils craignent une perte d’autonomie ?

Cela joue évidemment un rôle. Mais le problème principal est que la politique nationale n’essaye pas de voir comment les petits Etats peuvent s’impliquer davantage dans les décisions. Il y a par exemple la possibilité de créer des alliances avec d’autres petits Etats, dont l’Autriche ne se sert presque pas. Bien sûr, le fait de pouvoir envoyer un député de plus ou de moins au Parlement européen ne fait pas une grande différence pour les partis autrichiens. Mais le gouvernement devrait montrer comment on peut quand même jouer un rôle sur le plan européen. Le Luxembourg par exemple, qui est plus petit que l’Autriche, arrive à avoir un rôle important. Il faut aussi prendre en compte le fait que rapport à leur taille, les petits Etats sont surreprésentés au Parlement et ont un grand droit de regard.

La faute commise par les politiciens nationaux est aussi que chaque fois que Bruxelles instaure des mesures positives, ils ramènent la couverture à eux. Cela existe dans d’autres pays, mais c’est particulièrement fréquent en Autriche. Les élections européennes sont considérées comme des élections de deuxième plan. Il suffit de regarder le petit budget que les partis débloquent pour la campagne, comparé aux élections nationales. Le FPÖ ne fait pas exception. Ils savent qu’il y a peu à gagner aux Européennes et ils essayent de nationaliser la campagne avec des slogans populistes.

Comment pourrait-on davantage intéresser les Autrichiens aux élections européennes ?

Cela ne peut fonctionner qu’avec des initiatives sur le long terme. Il n’y a pas de remède miracle. Il faut investir dans un programme d’au moins cinq ans, mais personne ne le fait. Les hommes politiques prennent toujours des initiatives en dernière minute.
source: Judith KORMANN - liberation.fr