Message

Nicky
webmaster

Voir plus


Date du message : jeudi 10 juillet 2014 à 22h45


Dans le commerce, un chercheur découvre des champignons inconnus


"Chéri, devine ce qu'il y a pour dîner ce soir." C'est un peu ce qu'aurait pu dire, début octobre 2013, Rachel Dentinger à son époux Bryn après avoir fait l'emplette, dans une boutique de Twickenham (banlieue de Londres), d'un sachet de cèpes séchés

L'anecdote prend toute sa saveur, si l'on peut dire, quand on sait que Bryn Dentinger est mycologue aux prestigieux Jardins botaniques royaux de Kew – plus connus sous le nom de Kew Gardens. Le chercheur s'est donc demandé quels champignons il y avait vraiment dans ce sachet.

Bryn Dentinger cède là plus à la curiosité du taxonomiste qu'à celle du consommateur. Il sait que, selon les estimations, il existe entre 500 000 et 10 millions d'espèces de champignons à la surface du globe. Il sait également que, chaque année, les mycologues décrivent environ 1 200 nouvelles espèces, qu'à ce rythme-là il faudra des siècles voire des millénaires pour venir à bout de la tâche et que les chercheurs de la discipline expérimentent de nouvelles techniques pour accélérer le processus. On pourrait se dire que le grand public n'a que faire de ces problèmes de taxonomie. Et pourtant, résument Bryn Dentinger et sa collègue Laura Suz dans l'étude qu'ils viennent d'écrire, disponible sur le site de pré-publications scientifiques Peer J Pre Prints, grande est la probabilité que des espèces dont on ignore tout entrent dans la chaîne agro-alimentaire. Or, en matière de champignons, il n'est pas anodin de savoir à quoi on a affaire quand on sait que, pour la seule France, on compte chaque année un millier d'intoxications.

Revenons donc au sachet de cèpes, importé de Chine, du couple Dentinger : à quelles espèces ses quinze morceaux appartenaient-ils ? Pour le savoir, les chercheurs ont procédé à l'analyse d'un fragment de leur ADN. La nouvelle rassurante, c'est qu'il s'agissait bien à 100 % de cèpes et que tous étaient comestibles. L'information plus étonnante est que, sur les trois espèces de Boletus représentées, aucune ne correspondait à une espèce connue ! Bryn Dentinger s'est donc empressé de les décrire et de leur trouver un nom. Pas besoin de courir la nature pour dénicher de nouvelles espèces, faire ses courses suffit...

Sans aller jusqu'à évoquer le scandale de 2013 de la viande de cheval (et de porc) que l'on faisait passer pour du bœuf, scandale qui avait éclaté suite à une analyse ADN menée sur des burgers en Irlande, Bryn Dentinger et Laura Suz soulignent à quel point il est important d'accélérer la nomenclature génétique du vivant. D'une part, évidemment, pour améliorer la sécurité alimentaire et s'assurer que ce qui plonge dans nos estomacs correspond bien à ce que dit l'étiquette. Et, d'autre part, pour mieux contrôler que certaines espèces protégées ne terminent pas en cuisine.
source: Pierre Barthélémy - lemonde.fr