Jean-Claude Mas sommé de payer l'ardoise de PIP ...
Jean-Claude Mas (à gauche) et Claude Couty, lors du procès pénal à Marseille en avril 2013
Le fondateur de Poly-Implant-Prothèse a été condamné à payer une part du trou financier laissé après la liquidation. Une somme astronomique de 13 millions d’euros … Il a fait appel
Dans un jugement du 1er avril 2014, passé jusque-là inaperçu, le tribunal de commerce de Toulon condamne les deux dirigeants de PIP à payer 13,2 millions d'euros pour faire face aux pertes colossales engendrées par l'entreprise seynoise. Voilà la nouvelle pièce du gigantesque puzzle judiciaire qui succède au scandale sanitaire des implants mammaires remplis d'un gel de silicone frauduleux.
Dans une procédure commerciale, qu'il a initiée en mars 2013 à une semaine du délai de prescription, le liquidateur judiciaire de PIP se retourne contre « les dirigeants de fait et de droit » de la société.
Fautes de gestion
Le liquidateur, toulonnais - qui n'a pas répondu à nos questions - cherche à engager la responsabilité personnelle de Jean-Claude Mas, 75 ans, et de Claude Couty, 62 ans. Le premier en tant que dirigeant de fait, le second pour avoir été le dirigeant de droit de PIP. « Par leurs fautes de gestion, ils ont contribué à l'importance du passif, allié à la faiblesse du montant des sommes restantes », soutient le liquidateur. Position suivie par le parquet de Toulon.
Les chiffres sont vertigineux. Au bas mot, le passif laissé par PIP ne serait pas inférieur à 13,5 millions d'euros - mais les créances totales pourraient atteindre le triple ! Ces chiffres ne comprennent même pas d'hypothétiques provisions pour indemniser les femmes ayant porté des implants mammaires au gel frelaté (1).
Les 13,2 millions d'euros correspondent, a minima, à l'ardoise laissée aux fournisseurs, banques, au fisc et à l'organisme (AGS) qui a payé leurs indemnités aux salariés licenciés.
« La citation n'est pas valable »
Face à ce gouffre financier, le liquidateur n'a pu recouvrir que 300 000 euros. Ce qui laisse un trou béant. Claude Couty, président du directoire de PIP, est condamné à payer 150 000 euros, sa responsabilité est jugée « bien moindre ».
La sanction est lourde pour Jean-Claude Mas, président du conseil de surveillance de PIP, qui doit « supporter l'insuffisance d'actif » à concurrence de 13,1 millions d'euros. Réputé insolvable, Jean-Claude Mas fait face à une condamnation pécuniaire sans précédent.
Il a fait appel de la décision, au motif, détaille son avocat, que « la citation du tribunal ne l'a pas touché ». En d'autres termes, il n'aurait pas été avisé dans les formes requises par le code de procédure civile. « Donc, la citation n'était pas valable », poursuit Me Yves Haddad. Absent de l'audience, Jean-Claude Mas ne s'était pas défendu.
Claude Couty aussi a fait appel. Les deux hommes seront devant la cour d'Aix-en-Provence, en janvier 2015.
Rémunération « démesurée »
Dans son jugement, le tribunal de commerce de Toulon a des mots très durs à l’encontre de Jean-Claude Mas, dont la rémunération est qualifiée « de démesurée ».
Exemple, le fondateur de PIP a touché 500.000 euros de jetons de présence sur deux années d’exercice (2007/2008 et 2008/2009), alors que « l’entreprise subissait pourtant des pertes conséquentes ».
Plus grave, PIP accordait des « crédits excessifs » à « des filiales étrangères du groupe dans lesquelles Jean-Claude Mas avait directement ou indirectement des intérêts ».
Le tribunal estime donc que « le maintien abusif d’une exploitation déficitaire, dans un intérêt personnel, constitue une faute de gestion ».
Moindres charges pour le directeur financier
Sans l’exonérer totalement, il est reconnu à Claude Couty une responsabilité moindre. « Il n’était associé dans aucune société du groupe, mais percevait néanmoins une rémunération élevée. » Le tribunal reconnaît qu’il « a surtout été relégué au rang de directeur financier et administratif ».
Son avocate Me Dominique Stephan estime qu’il « était soumis à Jean-Claude Mas, pieds et mains liés, et n’a commis aucune faute de gestion ».
Même si la condamnation est moindre, « elle ne correspond pas à la réalité des faits ». La justice peut, selon elle, « aller au bout de la démarche et ne pas le condamner » ... Quant à sa rémunération, elle correspondait à « ses fonctions et ses capacités de directeur financier ».
1. Seules 25 femmes ont été admises dans la liste des créanciers de PIP, alors que 5 000 ont été reconnues victimes au procès pénal
source: Sonia Bonnin - var matin